ALGERIE: LES CULTURES ASSOCIEES POUR PRODUIRE PLUS ET MOINS CHER.
On cultive souvent l’orge toute seule. Il faut apporter quantité d’engrais et herbicides. Effet des modes occidentales de notre agronomie. Si on regarde vers la chine, il apparait que depuis 2 000
ils associent deux cultures dans un même champ. Chacune apportant un bienfait à l’autre.
ALGERIE: LES CULTURES ASSOCIEES POUR PRODUIRE PLUS ET MOINS CHER.
Djamel BELAID Enseignant-chercheur. djamel.belaid@ac-amiens.fr
En Algérie, comme beaucoup ailleurs, les champs sont d’une monotonie désespérante. Ils ne sont semés que d’une seule espèces: blé, orge, lentille, féverole, pois … Depuis quelques années; des agronomes européens, australiens ou chinois proposent de ne plus cultiver séparément les cultures mais de les associer par 2 ou 3 dans les champs. Ils proposent de cultiver du blé dur en même temps que de la féverole ou du pois. L’intérêt serait de profiter des interactions entre plantes et donc d’apporter moins d’engrais. Cette pratique existe depuis plus de 2 000 ans en Chine qui compte 25 millions d’hectares de cultures associées.
COMMENT RECOLTER UN TEL MELANGE?
La première idée qui vient à l’esprit concerne le devenir de la récolte. Que faire de grains de blé dur qui seraient mélangés à du pois ou de la féverole? Les adeptes de cette méthode ont une réponse: le tri mécanique des graines après récolte. Il est vrai que dès que des graines ont 2 ou 3 fois la taille de celles du blé, et c’est le cas du pois-chiche, du pois ou de la féverole, il devient très facile de les séparer en les faisant passer à travers une grille.
D’autres questions se posent: comment lutter contre les mauvaises herbes (plantes adventices)? En effet, tout herbicide est proscrit par manque de sélectivité à la fois sur la céréale et la culture compagne. Or, l’utilisation d’herbicides chimiques peut augmenter de 50% les rendements des cultures. Cependant, pour les partisans de cette pratique la solution est justement de ne plus désherber chimiquement sans que cela ne porte préjudice à la culture. Une telle solution, si elle est viable, pourrait s’avérer avantageuse dans le cas des petites exploitations dépourvus de pulvérisateur à herbicides.
LUTTER CONTRE LES MAUVAISES HERBES.
Les partisans des cultures associées proposent « d’étouffer » les adventices par le choix d’espèces à développement rapide qui les priveraient de … lumière. En effet, toute plante a un besoin impérieux de lumière. Si dans une culture de blé, on associe une légumineuse qui se développe rapidement elle peut alors capter, à l’aide de ses feuilles, le maximum de lumière au dépend des adventices. Le blé semé en même temps que la légumineuse n’est pas gêné par la plante compagne. Il a arrive à se développer assez rapidement.
Afin de prendre de vitesse les plantes adventices, l’agriculteur possède une arme redoutable: la dose de semis. En semant plus de grains qu’à l’habitude, il peut aider la culture à gagner cette compétition contre les adventices.
On pourrait rétorquer que les doses de semis ne peuvent être augmentées sans risque de provoquer une baisse de rendement par compétition des plantes cultivées entre elles. Mais c’est là qu’intervient toute l’élégance du procédé et le savoir faire des agronomes. Comme les cultures associées concernent généralement 2 espèces différentes, comme par exemple céréale et légumineuses, qui sont différentes entre elles, il n’existe pratiquement pas de compétition entre les plants. Les plantes ne développent pas leurs racines dans les mêmes couches de terre et n’absorbent pas les mêmes éléments ou du moins pas au même moment. L’augmentation, certes raisonnable, des densités de semis n’est donc pas un problème pour la culture. Elle l’est par contre, répétons le, pour les adventices.
Tout le savoir faire des agronomes et des agriculteurs innovants est de choisir la bonne association entre espèces végétales, la bonne dose et la date de semis idéale. Ces paramètres sont à
déterminer selon les caractéristiques de sol et de climat de chaque région considérée.
Les associations les plus courantes concernent une céréale blé (tendre ou dur), triticale, orge, maïs et un légumineuse: féverole, lupin, pois fourrager, pois protéagineux, pois-chiche.
Les associations triticale-pois fourragers sont intéressantes. La récolte peut aller directement pour l’alimentation du bétail sans qu’il soit nécessaire de séparer les deux types de graines. Le pois fourrager présente par ailleurs, un fort développement et une grande capacité à étouffer les mauvaises herbes. Cependant, les variétés de pois fourrager ne conviennent pas pour l’alimentation en aviculture. Ils contiennent de la vicine et convicine et des tanins qui freinent les productions avicoles. Seules des variétés de pois protéagineux et de féverole répondent à cette exigence. Dans le cas de mélanges de triticale-pois protéagineux, comme les tiges du pois restent proche du sol il faut augmenter la dose de semis dans le mélange afin d’avoir un développement acceptable.
Dans un mélange triticale-pois, la part de la céréale et du pois à la récolte est variable. Cette part dépend de l’azote fourni par le sol. Plus il y a d’azote dans le sol, plus le rendement du triticale est élevé au contraire du pois. Le pois est souvent considéré comme une culture salissante et qui verse donc difficile à récolter. En fait, associée à la céréale, ces problèmes sont réduits car la céréale fait office de tuteur. Sa forte concurrence pour la lumière permet de réduire les adventices.
Afin de maîtriser les adventices, une autre alternative serait d’utiliser des espèces de légumineuses sensibles au gel. C’est ce que propose le Cetiom en France dans le cas de la culture du colza. Semé assez tôt à l’automne, le mélange s’implante et absorbe l’azote du sol. Celui-ci n’est donc pas lessivé par les pluies hivernales. Les premiers gels détruisent ensuite la culture compagne mais sans enlever le bénéfice de l’azote retenu dans le sol. Les doses d’engrais à épandre sont donc moindres d’où un meilleur revenu pour l’agriculteur et moins de pollution par les nitrates. Cette pratique pourrait être adaptée aux conditions algériennes. Elle répondrait aux soucis des agriculteurs qui auraient peur d’une infestation de la culture par les adventices. L’effet destructeur du gel peut ainsi être remplacé ou complété par l’utilisation d’un herbicide spécifique de la culture.
COUT FERTILISATION DES CULTURES ASSOCIEES: 0 DINARS.
Les légumineuses ont la capacité de fixer l’azote de l’air. Elles ne requièrent donc pas de fertilisation azotée. L’apport d’engrais azotés et même parfois nocif. A forte dose, ils retardent le développement sur les racines des nodosités fixatrices d’azote. Une petite dose d’azote est cependant parfois conseillée pour aider au démarrage de la culture.
Quant aux engrais phosphatés, de récents travaux montrent que leur utilisation peut être réduite en cas d’association avec une légumineuse. Celles-ci peuvent acidifier la rhizosphère ce qui permet une meilleure absorption du phosphore par limitation du risque de blocage. Dans certains cas, l’acidité créée par les racines peuvent même permettre de mobiliser du phosphore jusque là rétrogradé par contact avec le calcaire du sol.
Dans le cas du pois-chiche, les racines arrivent même à utiliser le phosphore organique du sol, chose que le blé ne sait pas faire tout seul.
En cas de manque d’engrais phosphaté le lupin blanc a la redoutable possibilité de ramifier ses racines. Celles-ci forment alors des « cluster-root » ou racines protéoïdes qui ont la forme d’un écouvillon d’où le nom aussi donné par les anglo-saxon de bottle-brush. Les racines multiplient ainsi leur surface de contact avec le sol. Ce qui multiplie la possibilité de rencontre avec le phosphore qui a la particularité de ne pas migrer dans le sol. Mieux, les racines une fois ramifiées sécrètent des substances acides qui solubilisent le P du sol jusque là rétrogradé.
Le lupin blanc « tramousse » a par ailleurs, des graines riches en protéines ce qui en fait un excellent candidat pour remplacer le soja importé et destiné à l’aviculture. Sa farine ne contient pas de gluten ce qui est intéressant pour les personnes souffrant d’allergie. Malheureusement cette admirable plante ne tolère pas les sols riches en calcaire. Celui-ci bloque le fer du sol et la plante ne se développe pas. Les recherches actuelles se concentrent sur des variétés tolérantes au calcaire. La prospection des écotypes locaux de lupin reste à réaliser. En Egypte ce travail a permis de proposer aux agriculteurs des variétés adaptées aux conditions locales. L’inoculation des semences de lupin avec une bactérie (Bradyrhizobium lupini) améliore le rendement. Cette inoculation est d’autant plus bénéfique que le sol est plus riche en calcaire.
Pour les sols calcaires algériens, la difficulté à cultiver les variétés actuelles de lupin amène à rechercher d’autres alternatives comme la féverole. Les racines de cette légumineuse possèdent également la capacité à acidifier le sol et à améliorer la nutrition phosphatée des plantes en absence d’engrais. Et contrairement au lupin, la féverole ne craint pas les sols calcaires.
Les agronomes chinois ne sont d’ailleurs pas trompés. Ils multiplient les recherches sur l’association de maïs et de féverole. Ces dernières années, des agronomes chinois ont publié les résultats de leurs travaux. Ils sont époustouflants. Le Pr Long Li et ses collègues obtiennent des rendements en hausse de 49% lorsqu’il associent du maïs à de la féverole.
Associé à la féverole le maïs produit jusqu’à 129 quintaux par hectare. Si on remplace la féverole par du blé, le rendement de maïs n’est plus que de 92 quintaux. L’engrais phosphaté devient inutile, voire même nocif. A la dose de 112 kg, le rendement baisse même à 109 quintaux.
CONCLUSION.
Etrangement, l’agriculture algérienne reste à côté d’une révolution technique qui se dessine à travers le monde: celle des cultures associées. Dans le cas des exploitations à bas niveau
d’intrants, cette pratique a toute sa place.
Elle améliore le rendement et le taux de protéines du blé dur sans même que soit apporté de l’engrais lorsque blé et pois protéagineux sont semés ensemble.
Elle améliore la fertilisation P alors que le prix de ces engrais flambe du fait de la demande mondiale et de distributeurs locaux parfois peu scrupuleux. Mais surtout, les cultures associées
permettent une meilleure utilisation de l’engrais phosphaté, engrais qui du fait du fort pouvoir fixateur du sol n’est utilisé qu’à 15% par les plantes.
Bien menées, les cultures associées peuvent être un moyen de maîtrise de la flore adventice. Cela peut être un atout pour les petites exploitations ne disposant pas de pulvérisateurs. Divers travaux montrent que les cultures associées améliorent la marge brute à l’hectare. On peut le comprendre aisément puisque les postes engrais et herbicides sont réduits à leur plus simple expression.
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