A l’image de Rim, petite bourgade paisible de 3.000 âmes à quelques dizaines de kilomètres du Mali. De longues tiges ploient à perte de vue en contrebas du village, sous le poids de lourds épis de « baniga », un sorgho de couleur blanche cultivé dans cette partie du Burkina.

« Cet endroit était un désert. Mais, des peuples ont réussi à faire reverdir la région », s’enthousiasme Amanda Lenhardt, chercheuse à l’Institut de développement à l’étranger (Overseas development institute, ODI), auteure d’un rapport sur le sujet.

A Rim comme ailleurs dans le nord du pays, les paysans ne jurent que par le « zaï », ou « cordon pierreux ». Une méthode qui leur a permis de revitaliser des sols et de produire à nouveau sur des terrains jadis impropres à l’agriculture.

La technique consiste à dresser de petites barrières rocailleuses afin de « freiner le ruissellement de l’eau », ce qui permet à cette dernière de « s’infiltrer » dans le sol et à la terre de ne pas glisser en aval, explique Paulin Drabo, un agronome.

Des trous garnis d’engrais sont ensuite creusés près des pierres. La plante, mieux alimentée, peut ainsi pousser. La vie des paysans de Rim s’en est retrouvée bouleversée, dans un pays où 80 % de la population vit de l’agriculture.

« Avant, lorsque nous semions sur une terre nue, nous ne récoltions rien. Mais maintenant, avec la technique qu’ils nous ont apportée, le mil pousse bien », se réjouit Sita Rouamba, une agricultrice.

Plutôt que de se concentrer sur les terres dites « riches », au bord de cours d’eau, il est désormais possible de cultiver « sur n’importe quel sol, quelle que soit sa dégradation », confirme Souleymane Porgo, 38 ans et quatre enfants, une houe à l’épaule.

Les récoltes, bien plus abondantes, s’en ressentent. « Actuellement chez moi, les greniers auxquels je n’ai pas encore touché sont pleins. J’ai également suffisamment de haricots », témoigne Saïdou Porgo, le père de Souleymane.

Au Burkina Faso, la désertification n’est pas une fatalité. © AFP

Le cordon pierreux a enrichi ce chef d’une famille de 11 enfants. Saïdou Porgo affirme qu’il a ainsi pu acquérir « des chèvres, une moto, des bœufs ».

« Possible » de combattre le changement climatique

« En cas de difficultés je peux les vendre pour payer à manger. Tout cela me permet de bien gérer ma famille », s’enorgueillit-il.

Une trentaine de paysans se sont mis au « zaï » à Rim, contre 700.000 sur l’ensemble du territoire, recense Joël Ouédraogo, le directeur de la Fédération nationale des groupements Naam (« royauté » en mooré, la principale langue burkinabè), une ONG de soutien au monde agricole.

Entre 200.000 et 300.000 hectares de terres ont ainsi été réhabilitées et se retrouvent exploitables, estime-t-il. Soit entre 2.000 et 3.000 km2, environ la surface du Luxembourg.

Un résultat saisissant dans cette région sahélienne confrontée à une avancée du désert et à une évolution de la pluviométrie, souligne Amanda Lenhardt, dont l’organisation, ODI, est spécialisée dans l’analyse des avancées sur les questions de développement.

Le Burkina Faso démontre qu’il est « possible de combattre les changements climatiques », se félicite cette chercheuse canadienne.

Cette méthode « incroyablement simple » est connue « partout » dans le Sahel, mais est davantage et mieux employée au Burkina qu’ailleurs et se transmet grâce au bouche-à-oreille, selon elle.

L’impact est particulièrement criant vu du ciel. Entre une terre ignorant le « zaï » et un champ où il est employé, les couleurs varient de l’ocre d’étendues rocailleuses et desséchées à un vert précieux, symbole de nourriture et tout simplement de vie.

L’enjeu dépasse la simple sécurité alimentaire, déjà primordiale, au Burkina Faso, une ancienne colonie française enclavée.

Cet Etat sahélien pauvre, comme la plupart des pays en développement, connaît un important exode rural, qui met sous pression les principaux centres urbains.

 

Un exode qui a bien moins raison d’être si les campagnes gardent leur attrait pour la jeunesse burkinabé, dans un pays où 60 % des 17 millions d’habitants ont moins de 25 ans.

Souleymane Porgo en est l’incarnation. Pendant un an, lui a fui ses terres ingrates pour chercher fortune en Côte d’Ivoire voisine. Après s’être converti au zaï, son père l’a rappelé. Et six ans plus tard, c’est toujours à Rim qu’il voit son avenir.